Il s’agit en effet d’une croix toute simple, en fer rongé par la rouille, juchée sur un imposant mât de chêne de cinq mètres de haut. La croix surplombe un imposant tas de roches et de cailloux. Et ce sont justement ces pierres, aux apparences diverses et aux tailles variées, déposées depuis des siècles par les marcheurs, qui font de la Cruz de Ferro l’un des passages les plus mythiques pour le pèlerin de Saint-Jacques.
Selon certains, il s’agirait d’un ancien autel préhistorique, ou d’un endroit consacré par les Romains à Mercure, dieu des carrefours et des routes. Ce qui est plus sûr, c’est que les moissonneurs galiciens passaient par le Puerto Irago quand ils venaient en Castille pour travailler aux champs de blé, et qu’ils avaient pris l’habitude de déposer ici une pierre à chacun de leurs passages.
À l’origine, il s’agit donc d’un cairn : un monceau de pierres qui pouvait soit baliser un chemin ou signaler le sommet d’une montagne, soit rappeler un événement important, soit marquer un site funéraire et célébrer les morts. Le cairn a été christianisé très tôt par Gaucelmo, abbé de Foncebadón et Manjarín, et par ses successeurs, qui y ont ajouté une croix. Ainsi les pèlerins ont-ils pu trouver une nouvelle symbolique dans le cairn de la Cruz de Ferro :
La tradition, toujours respectée de nos jours, veut que chaque pèlerin dépose au pied de la croix une pierre ou un caillou transporté depuis le lieu de départ. Ce poids supplémentaire et inutile dans le sac à dos représente les choses superficielles auxquelles nous accordons souvent une trop grande importance dans la vie… Le pèlerin, arrivé au point culminant du Camino, peut se libérer de ce qui lui pèse, avant d’entamer la dernière partie de son parcours vers le tombeau de l’apôtre.Récemment, les pèlerins ont adopté la coutume de placer également sur le monticule des photos personnelles, des notes manuscrites, des vêtements ou des objets apportés de chez eux pour remplacer la pierre traditionnelle. Une chapelle dédiée à l’apôtre Saint-Jacques a aussi été construite à côté de la croix il y a une trentaine d’années.
Alors cette croix de fer, qu’on peut appeler « Cruz de Ferro » en galicien, « Cruz de Hierro » en castillan, ou bien encore « Cruz de Fierro » en léonais, est-elle pour vous un souvenir marquant de votre pèlerinage, ou une irrésistible invitation au voyage ? Quoi qu’il en soit, quand vous (re)partirez, n’oubliez pas d’emporter un caillou de chez vous… et de réfléchir à ce poids dont vous souhaitez vous libérer, à ce fardeau que vous allez métaphoriquement laisser sur le bord du Chemin, quelque part là-bas du côté des monts de León.
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