Paraît soudain la tour Saint Jacques,
Bloc de lumière taillée dans la pierre,
Son éclat neuf, substantiel et glorieux,
Rayonne de lui-même.
L’étoile de midi sculpte les arbres,
Modèle de clartés et d’ombres leur présence,
Et peint de tous les verts de l’été leurs feuilles
Se multipliant au vent.
Le jour me baigne, comme à l’origine.
Le soleil royal, dans ce square et au ciel,
Demeure pourtant muet.
J’écoute le silence, et l’aide à parler.
Michael Edwards
(poème paru sur la dernière page du journal La Croix daté du jeudi 12 août 2010)
Guillaume IX de Poitiers (1071-1126), duc d’Aquitaine et grand-père d’Aliénor, est le premier troubadour et le premier poète en langue vulgaire de l’Europe médiévale.
Sa chanson « Farai un vers pos mi sonelh » constitue l’un des tout premiers témoignages littéraires sur le coquillard ou faux pèlerin de Compostelle.
Guillaume IX est le seul auteur de la littérature occitane médiévale à mettre en scène un pèlerin tourné en dérision. Dans cette chanson, en effet, le narrateur est un pèlerin absorbé dans une rêverie diabolique, dans laquelle deux jeunes femmes l’apostrophent (« E Dieus vos salf, don pelerin! ») et, sous prétexte de lui offrir l’hospitalité, l’entraînent vers la luxure…
Farai un vers, pos mi sonelh E m vauc e m’estauc al solelh. Domnas i a de mal conselh, E sai dir cals: Cellas c’amor de cavalier Tornon a mals Domna fai gran pechat mortal En Alvernhe, part Lemozi, La una m diz en son latin: Ar auzires qu’ai respondut; So diz n’Agnes a n’Ermessen: La una m pres sotz son mantel, A manjar mi deron capos, « Sor, aquest hom es enginhos, N’Agnes anet per l’enujos, Qant aguem begut e manjat, Per la coa de man tenen « Sor, diz n’Agnes a n’Ermessen, Tant las fotei com auzirets: Ges no us sai dir lo malveg, |
Je ferai un vers puisque je suis endormi Et que je marche, tout en restant au soleil. Il y a des dames pleines de mauvais desseins, Et je puis vous dire qui elles sont : Ce sont celles qui méprisent l’amour Des chevaliers. Elle fait un grand péché, un péché mortel, En Auvergne par le Limousin L’une me dit en son langage : Maintenant, écoutez ce que j’ai répondu Alors, Dame Agnès dit à Dame Ermessent : L’une me prend sous son manteau, Elles me donnèrent à manger des chapons ; « Sœur, cet homme est rusé Agnès alla chercher la déplaisante créature : Quand nous eûmes bu et mangé, Par la queue, brusquement, « Sœur, dit dame Agnès à dame Ermessent Tant je les honorais comme vous entendez Non! Je ne saurais vous dire ce mal, |
En marchant sur la Via Turonensis, entre Poitiers et Melle, on a tout le loisir de découvrir le terroir poitevin, et pourquoi pas de déguster quelques uns de ses meilleurs produits. La cuisine du Poitou est essentiellement campagnarde, avec des plats bien consistants, souvent en sauce, qui mijotent pendant des heures et vous forcent à manger du pain… De quoi se refaire après une rude journée de marche! Une cuisine plantureuse dont voici les ingrédients de base:
En Poitou, on trouve aussi des desserts nombreux, variés et souvent délicieux, même s’ils ne sont pas à recommander aux personnes en régime! En voici quelques uns pour les marcheurs gourmands:
Le tourteau fromager :
Vous le trouverez par exemple à Melle (mais aussi dans toutes les grandes surfaces de la région), et vous le reconnaîtrez à son aspect surprenant, puisqu’il se présente sous la forme d’une boule dont le dessus est totalement noir. La croute noire qui entoure le tourteau préserve en effet la fraîcheur et la texture légère de cette pâtisserie à base de fromage blanc, de vache ou de chèvre. Le tourteau était autrefois distribué lors des mariages, mais il est tout à fait approprié pour le petit-déjeuner, le goûter ou l’en-cas du randonneur!
Les recettes traditionnelles sont sujettes à de multiples variations, d’une cuisinière à l’autre. Celle-ci ne déroge pas à la règle. Voici donc une recette indicative, que vous pouvez arranger à votre gré:
Ingrédients: une pâte brisée, éventuellement préparée avec un œuf (avec environ 250g de farine); 250g de fromage de chèvre frais, ou de faisselle de chèvre; 150g de sucre en poudre; 6 œufs; 50g de farine; éventuellement du sucre vanillé.
Préparation: mélangez le fromage avec le sucre; lorsque le mélange est homogène, ajoutez les œufs, puis la farine; versez le mélange obtenu dans une tourtière, enfournez à four chaud (180°C), et laissez cuire 45mn environ; à la fin de la cuisson, le tourteau est brulé sur une fine couche en surface.
Les macarons de Lusignan :
Rapportée en France au XVIe siècle dans les bagages Catherine de Médicis, la recette du macaron s’est vite répandue dans de nombreuses villes et provinces françaises. La renommée du macaron de Lusignan est due à sa recette artisanale inchangée depuis des années: seule l’huile de coude a été remplacée en partie par l’électricité!
Dorés à la surface, moelleux et suaves, les macarons sont de petits gâteaux ronds de 15 à 20g, qui ne contiennent pas de farine, et dont la saveur tient à leur teneur en amandes. Sur le chemin, vous trouverez par exemple ces macarons à la boulangerie-pâtisserie « Aux saveurs Mélusine », à Lusignan.
Le broyé du Poitou :
Comme son nom l’indique, le broyé du Poitou ne se coupe pas: cette galette dure (à base de beurre, bien entendu), doit être partagée d’un coup de poing vigoureux en son milieu. On en offrait autrefois des petits morceaux lors des messes de communion ou de mariage. Aujourd’hui, vous pouvez en glisser un dans votre sac à dos en prévision d’un petit creux sur la route…
Si vous souhaitez en faire chez vous, rien de plus facile: mélangez dans un saladier un œuf, 125g de sucre en poudre, une pincée de sel et une cuillère à soupe de rhum; ajoutez 125g de beurre fondu; remuez, puis ajoutez 250g de farine; pétrissez la pâte plusieurs fois, étalez-la du plat de la main dans un moule à tarte, sur une épaisseur d’un centimètre; faites cuire 20 à 25mn à four chaud (thermostat 7/210°C), et vous obtiendrez une galette plate et dorée : le broyé. Un conseil de dégustation: c’est encore meilleur trempé dans du café…
Et pour finir, méfiez-vous de la dame blanche :
En Poitou, en effet, si l’on vous propose une dame blanche en guise de dessert, ce n’est pas une coupe glacée à la vanille qu’on vous servira, mais une magnifique île flottante moulée, débordante, aux allures de soufflé…
Si vous cédez aux charmes de la dame blanche, sachez que vous risquez bien de ne pouvoir reprendre le chemin dans la foulée!
COQUILLARD, substantif masculin : Mendiant dont les vêtements étaient ornés de coquilles et qui se faisait passer pour pèlerin.
« Deux tables plus loin, un coquillard avec son costume complet de pèlerin épelait la complainte de Sainte-Reine. » (Victor HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832)
Les bandes de malfaiteurs du XVe siècle
Avec la fin de la guerre de Cent Ans, le crime organisé se développe en France : les anciens mercenaires désœuvrés rejoignent les loqueteux de tout poil et les étudiants fauchés pour former des associations de malfaiteurs et se livrer à des escroqueries en tout genre, au faux-monnayage, à la triche organisée, au proxénétisme…
Que ce soit à cause de l’habit de pèlerin qu’ils prenaient parfois pour duper les honnêtes gens, ou bien parce que l’allusion à la coquille avait déjà pénétré le vocabulaire de la pègre, ces truands s’appelaient coquillards. Comme tous les gangs de rue jusqu’à nos jours, ces bandes étaient structurées par des codes très précis et soigneusement tenus secrets. Les aveux d’un procès tenu à Dijon en 1455 nous donnent cependant un aperçu des rouages et modes opératoires des coquillards.
Leur organisation pyramidale avait ses apprentis et ses maîtres, l’ensemble étant coiffé par un « roi de la coquille ». Ils s’étaient fait une spécialité de mettre en gage des bijoux truqués, et ils parlaient un jargon de leur invention, qui tenait lieu de signe de reconnaissance et leur permettait de préparer leurs exactions sans se faire comprendre des non-initiés. Le poète François Villon a été mêlé aux trafics des coquillards et a écrit des ballades dans leur jargon.
Exemples du jargon des coquillards :
Retour vers Compostelle…
À partir du XVIIe siècle, alors que les bandes du Moyen Âge ont sombré dans l’oubli, le terme de coquillard désigne à nouveau ces gueux, mendiants ou malfaiteurs, faux pèlerins de Compostelle, qui abusent de l’hospitalité des monastères et détroussent les pèlerins et les riverains du Camino.
Il existe une vieille expression familière, toujours bien vivante en argot : s’en tamponner le coquillard. Contrairement aux apparences, cela n’a rien à voir avec le crédential que le pèlerin d’aujourd’hui fait tamponner à chaque étape ! L’expression signifie se moquer de quelque chose, n’en avoir rien à faire. « On s’en tamponne le coquillard… »
Le coquillard est devenu aujourd’hui une image d’Épinal, une figure folklorique et proverbiale de bon vivant et de bon à rien. Qui sait, peut-être en avez-vous croisé un sur votre chemin ?