En fuyant la renommée qui fut tout de suite la sienne, en répondant selon la légende à l’appel de Charlemagne, ou bien encore en partant à Rome pour assurer l’avenir du monastère Saint-Pierre, saint Gilles a précédé les pèlerins sur les nombreuses routes qui mènent à son abbaye et les a jalonnées de ses miracles.
Les pèlerins mettent leurs pas dans les siens, éprouvent les fatigues qui furent les siennes mais aussi les joies que l’Esprit Saint a toujours prodiguées à ceux que le saint auxiliateur veut consoler.
Le foisonnement des routes de Saint-Gilles permet donc tout d’abord de suivre l’inusable charité de son fondateur. Le premier exemple est l’itinéraire qu’a suivi saint Gilles au retour de sa fuite en Catalogne. De Nuria, il descend à Perpignan, rejoint la voie domitienne qui continue vers Béziers, Saint-Thibéry et Montpellier, puis oblique vers Notre-Dame-de-Vauvert jusqu’à Saint-Gilles.
Les pèlerins qui partirent plus tard de Toulouse rejoignaient ce chemin à Béziers ou bien passaient par Castres dont l’abbaye abritait le corps de saint Vincent de Saragosse.
Le deuxième est le chemin français qu’a emprunté saint Gilles pour aller et revenir d’Orléans et qui prend le nom de chemin de Régordane en Cévennes. Il part de la cathédrale Sainte-Croix, passe par Saint-étienne de Bourges puis par l’abbaye bénédictine de Souvigny, Notre-Dame de Clermont, Saint-Julien de Brioude, Notre-Dame du Puy, Alès et Nîmes. Robert le Pieux le suit pendant le carême en 1030. Trois autres rois et l’archevêque de Rouen l’imiteront au XIIIe siècle comme une foule d’anonymes.
Le troisième chemin est celui qu’a pris saint Gilles lors de son voyage à Rome. Il suit la voie domitienne par le col du mont Genèvre, Briançon, Embrun, Gap, les bords de la Durance, Sisteron, Apt, Cavaillon et Tarascon.
Les autres itinéraires s’expliquent uniquement par l’enthousiasme des pèlerins, comme en témoigne le Liber miraculorum. Un autre chemin de Saint-Gilles naît à Rocamadour où l’on vénère une Vierge noire et va par Sainte-Foy de Conques, Saint-Guilhem-le-Désert, à Notre-Dame-des-Tables à Montpellier, puis à Notre-Dame-de-Vauvert, dernière étape.
Les pèlerins venus de l’ouest se pressent par ce qu’on a pu nommer le « grand chemin de Saint-Gilles », c’est-à-dire Saint-Martial de Limoges ou Saint-Léonard-de-Noblat, puis Uzerche, Tulle, Saint-Géraud d’Aurillac, Laguiole, l’hôpital d’Aubrac bâti à la croisée de plusieurs itinéraires pour le réconfort des pèlerins, le causse Sauveterre, Florac, la corniche des Cévennes et enfin Anduze.
Depuis l’abbaye de Cluny ou depuis la basilique de Vézelay consacrée à sainte Madeleine, d’autres pèlerins encore rejoignent le chemin du Forez puis le chemin de Régordane pour aller vénérer saint Gilles dans son tombeau.
L’acte de foi qui éclaire le Moyen-Âge et met en marche tout un peuple sur les chemins de Saint-Gilles illumine encore beaucoup de nos contemporains. Cependant, fait totalement nouveau au regard de l’histoire, encore plus nombreux sont ceux qui désirent seulement retrouver la mémoire de ces vieux chemins.
En les explorant à son propre rythme, le randonneur fait l’expérience unique et bouleversante, dans sa simplicité même, de l’unité de la personne humaine, corps, esprit et cœur. La découverte concrète de cette unité vitale déclenche une rupture radicale avec les représentations paralysantes de l’efficacité à tout prix. La soif, le détour inattendu comme la halte réparatrice modifient la perception de l’avenir proche, en dehors des impératifs du projet personnel, ouvrent à la connaissance intuitive de soi-même et de l’autre et, pourquoi pas, à la rencontre du frère qui ne manque jamais sur la route.
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