Témoignage de Colette Jigourel écrit au domaine du Sauvage, sur le chemin du Puy, et paru dans le bulletin Camino 11 de mai 2003.
La pluie incessante, obsédante, accompagne les pas de ma mélancolie, qui n’a pas de destination, et la fait danser, virevolter, doucement, jusqu’à ce que l’âme rencontre une étrange ivresse, de celles que connaissent les mendiants perdus. La pluie invite mes incertitudes à patauger dans les flaques pures qu’elle dépose sur leurs méandres. De ses secondes ruisselantes, elle ponctue et embrasse ma solitude en glissant délicatement sur mon visage, apaisé par sa fraîche caresse.Je reste là dehors, posée dans le temps, en équilibre, comme un réceptacle accueillant. Mais mon esprit perméable s’évade et je suis déjà loin, clocharde céleste, errante éternelle, trempée, allégée de mon corps que je sais pourtant lourd. Celui-ci, se fait imperceptible, s’efface lentement, et ne retient plus l’âme vagabonde qui le traverse. Alors je deviens la pluie.
Mes yeux, mobiles, semblant pourtant contempler le paysage, ont perdu leur regard. Où donc est-il allé ce regard, habituellement pointu lorsqu’il fixe en se posant longuement ? Je pars pour un long voyage intérieur. Sous mon manteau de pluie, je retrouve enfin mon regard, mais celui ci n’est plus le regard extérieur qui balaie le paysage. C’est un regard profond qui n’est plus hors de moi, mais en moi.
Il croise la tristesse, les espoirs, les regrets, les doutes et la foi.
Il a rencontré mon âme.
Colette Jigourel
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