Villafranca del Bierzo est la ville étape après Ponferrada, sur le Camino francés. Le Bierzo est une région léonaise voisine de la Galice. On s’arrête à Villafranca pour reprendre des forces avant l’ascension du Cebreiro… et pour reprendre du poil de la bête, il n’y a rien de mieux que de goûter à la Queimada de Jesús Jato!
Près de l’église de Villafranca, vous trouverez en effet un personnage hors du commun : Jesús Arias Jato et sa famille qui ont reconstruit l’ancien refuge ayant brûlé dans un incendie au début du siècle dernier. Parti de rien, grâce aux talents et au grand cœur des bénévoles qui se relaient toute l’année, le refuge est sorti de terre en quatre ans!La personnalité de Jesús Jato, vieil homme bourru, terriblement astucieux, est attachante. Au service des pèlerins depuis plus de trente ans, il n’a pas attendu que les chemins de Compostelle reviennent à la mode pour accueillir ses frères du Camino. Il pourra vous expliquer, si vous le lui demandez, que l’ancien refuge avait brûlé du temps de sa grand-mère. Jesús s’est mis martel en tête de rebâtir le refuge où sa grand-mère hébergeait déjà les pèlerins.
Tel le phénix qui renaît de ses cendres, le nouveau refuge fut nommé « Avé Phénix » quand on posa sa première pierre en 1996. De très nombreux bâtisseurs volontaires ont poursuivi le travail inlassablement (parmi lesquels l’auteur du Guide Lepère du Camino Francés!), au gré des financements successifs de généreux donateurs, souvent d’anciens pèlerins. Le résultat est une belle chaîne d’amitié, où chacun a mis ses compétences au service du projet, et surtout un refuge qui a retrouvé une âme… Une « auberge espagnole » dans le bon sens du terme!
Pour ceux qui feront étape dans le refuge de Jesús Jato, il vous sera quelquefois possible de participer le soir à la tradition de la Queimada! C’est une boisson qui se boit chaude ou tiède. Elle se compose d’eau-de-vie, de sucre blanc, d’écorces de citron et de quelques grains de café. On prépare le breuvage dans un récipient en terre cuite. Quand tous les ingrédients ont cuit ensemble, on flambe le tout. Dans une petite casserole, on prépare une sorte de sirop avec du sucre que l’on fait chauffer au-dessus des flammes du flambage. Ce sirop sera versé sur les flammes. On remue et on attend que les flammes bleuissent légèrement. Tout au long de l’élaboration de cette boisson, on doit réciter une formule en galicien dont voici la traduction française :
Hiboux, chouettes, crapauds et sorcières. Démons maléfiques et diables, esprits des plaines enneigées. Corbeaux, salamandres et jeteuses de sorts, envoûtements des rebouteux. Roseaux percés et pourris qui abritent les vers et la vermine. Feu des âmes en peine, mauvais œil, magie noire, puanteur du cadavre, éclairs et tonnerre. Aboiement du chien qui annonce la mort. Gueule de satyre et patte de lapin. Langue pécheresse des méchantes femmes mariées à des vieillards. Enfer de Satan et Belzébuth. Feu des cadavres en flammes, corps mutilés des vicieux, gaz infernal du derrière. Grondement de la mer déchaînée. Ventre stérile de la femme célibataire, miaulements des chats en chaleur, sale et mauvais poil de la chèvre mal née.
Avec cette casserole, je lèverai les flammes de ce feu tel celui de l’enfer, et les sorcières chevauchant leur balai s’enfuiront vers les plages au sable grossier. Entendez! Entendez! Les rugissements de celles qui ne peuvent échapper au feu de l’eau-de-vie! Elles sont ainsi purifiées. Et quand ce breuvage descendra dans nos gorges, nous serons libérés des maux de notre âme et de tout ensorcellement.
Forces de l’Air, de la Terre, de l’Eau et du Feu, c’est à vous que je lance cet appel: s’il est vrai que vous avez plus de pouvoirs que les humains, ici et maintenant, faites que les esprits des amis qui sont loin participent avec nous à cette Queimada!
Si vous êtes déjà passé, pèlerin de Saint-Jacques, par Villafranca, avez-vous gardé des souvenirs épiques de votre participation au « rituel » de la Queimada?
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