Chemin du Puy
Année 2002, le PUY-EN-VELAY. Il est 8 heures et il pleut. Dans mon dos, le monumental porche de la belle cathédrale de lave, devant moi le grand escalier ; mes premiers pas sur la Via Podiensis, itinéraire privilégié des pèlerins. Plus loin, en Espagne, en Galice, Santiago de Compostela… à 1500 kilomètres. MAX à mes côtés est tout aussi ému que moi. Et si l’on a hâte de partir, on quitte toutefois cette ville avec regrets tant elle est à la fois austère, contrastée, majestueuse. On quitte pour deux mois sa famille.
Il faut dès à présent apprendre à gérer l’effort, car la crête boisée au point haut, est à 1200 mètres d’altitude. Et le Chemin est long, très long. Pendant cinq jours, avec la pluie, le crachin et le brouillard, le vent du Nord et ses giboulées de neige, parfois un pâle soleil fugitif, je traverse des régions sévères, rudes, mais ô combien pittoresques. Après le plateau du Velay, voici le début du Gévaudan, hautes terres sauvages, puis l’Aubrac qui ne lui cède en rien. Sur le linteau de la porte du monastère accueillant autrefois les pèlerins, était gravée cette phrase tirée de la Bible : « in loco horriris et vastaea solutidinis… », en ces lieux d’horreur et de profonde solitude. La Commanderie du Domaine du Sauvage (1292 mètres), ancienne domerie des Templiers, semble tout droit sortie du Moyen Âge. Devant la cheminée monumentale de la salle commune où brûle un tronc d’arbre, je fais la connaissance de plusieurs marcheurs, tous pèlerins, qui partageront ma route pendant quelques jours. Et si chacun chemine seul, avec ses pensées personnelles, sa foi, ses forces et à son rythme, les retrouvailles dans le refuge d’étape sont toujours un riche moment de convivialité et de partage. Ce soir, c’est moi qui « fais les pâtes » !
Croyant, je n’avais pas pour autant envisagé ce parcours en tant que pèlerin au strict sens religieux, mais plutôt comme une recherche de la nature et des paysages, du goût de l’effort physique ; aller au devant de nouveaux horizons hors du quotidien, sans contrainte de temps ni de lieu, avec un esprit attentif ou intéressé de tout ce qui pouvait se présenter. Je ne me sentais pas poussé par l’Esprit, mais paradoxalement, pour moi la marche pouvait être un temps d’arrêt enrichissant mes convictions spirituelles et religieuses.
Quittant NASBINALS et portant un dernier regard sur sa belle église auvergnate de basalte brun, je descends doucement dans la vallée du Lot, gardant dans ma mémoire tous ces paysages durs et grandioses. ESPALION, ESTAING, étapes importantes du Chemin, permettent un peu de flânerie dans la verdoyante vallée. Ici la vie semble plus facile et l’agriculture plus prospère. Les pieds tiennent bon, les fatigues s’estompent de mieux en mieux et les nuits sont réparatrices. Heureusement car le G.R. grimpe à nouveau fortement en direction de CONQUES la médiévale. Cette cité ne se découvre qu’au dernier moment, mais quel émerveillement lorsque les toits de lauzes en gradins se révèlent. Site unique, passage incontournable sur la voie reliant Le Puy à Compostelle, la basilique de pierre brute, impressionnante de dépouillement est un hymne à la beauté. À l’intérieur les vitraux de Soulages filtrent une lumière irréelle, métallique qui ajoute à la majesté des lieux.
Jean JOURNET
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