« Mon âme bretonne »
Après avoir marché sur les chemins jacquaires, du Puy-en-Velay jusqu’à Saint-Jacques puis sur la Vía de la Plata, de Séville à Compostelle, Jacques et moi avons décidé de suivre les chemins du Tro-Breiz. Tro-Breiz signifie « tour de Bretagne ». Mon âme bretonne avait très envie de parcourir cette grande boucle d’environ 700 kms qui conduit les pèlerins de cathédrale en cathédrale afin d’honorer les sept saints fondateurs de cette région. Partis de Quimper, mon lieu de naissance, et bénis par saint Corentin, nous avons rejoint Saint-Pol-de-Léon (St Pol-Aurélien), Saint-Brieuc, Tréguier (St Tugdual), Saint-Malo, Dol-de-Bretagne (St-Samson), Vannes (St Patern), pour revenir à Quimper. Ce pèlerinage très fréquenté du XIIème au XVIème siècle a vu son apogée au XIVème : chaque année des milliers de pèlerins effectuaient ce tour sacré.
Le Tro Breiz, « on peut le faire seul ? »
Septembre-octobre. Un temps superbe, de petites routes, des chemins creux. Une balade dans un pays aux mille visages. Nous sommes passés des riches enclos paroissiaux de Finistère aux calvaires si simples du Mené ; des hauteurs sauvages des Monts d’Arrée aux plages des Côtes d’Armor, des brumes d’Ile-et-Vilaine au soleil du Morbihan. Pour vivre ce pèlerinage il est nécessaire d’oublier l’expérience des voies vers Compostelle. Ici, pas de chemins balisés mais le guide très bien fait des éditions Lepère et les cartes régionales IGN au 1/100000. Un seul refuge pèlerin (à Bodélio – incontournable), mais quelques gîtes pour randonneurs, des campings, des chambres d’hôtes et des hôtels aux prix modestes (c’est quand même mieux de voyager à deux pour en partager le coût). Partout un accueil chaleureux et une grande curiosité pour ce pèlerinage souvent ignoré dont la référence la plus diffusée est l’information qui passe dans la presse locale lors d’une semaine d’été pendant laquelle environ 1500 personnes parcourent le chemin entre deux cathédrales (il faut alors 7 ans pour fermer la boucle). Cela nous a valu quelques commentaires rigolos : Mais où est le grand groupe? C’est la bonne époque? Mais ce n’est pas la bonne étape ! On peut le faire seul ? Et à certains endroits du Morbihan, lorsque le Tro-Breiz et le chemin jacquaire se confondent, nombreux sont ceux qui nous ont dit que nous nous étions trompé de sens ! Enfin, peu ou pas de pèlerins. Mais du temps pour soi, pour que l’âme respire, pour vivre l’essentiel.
« Sous une indifférence apparente se cachent des âmes nourries de contes »
Pèlerins, si vous marchez sur ce chemin, entrez dans les églises, des cathédrales aux minuscules chapelles, n’oubliez pas de grimper sur le rocher de Saint-Efflam, baladez-vous dans les villes qui ont gardé leur beauté moyenâgeuse. Laissez-vous envahir par la force qui émane de tous les témoignages d’une foi profonde et fidèle. Régalez-vous de pommes cueillies sur l’arbre, ramassez des châtaignes pour votre repas en gîte d’étape, sans oublier les crêpes et le cidre. Visitez le musée de cire de Sainte-Anne-d’Auray dans ses velours défraîchis et ses personnages d’un autre siècle. Et baignez-vous sans retenue dans cette lumière qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Et lorsque vous rencontrerez des autochtones, ne vous laissez pas intimider par leur aspect parfois rude et bourru. Sachez que sous une indifférence apparente se cachent des âmes nourries de contes où folâtrent les korrigans. Commencez à raconter votre périple et les merveilles que vous découvrez. Alors votre récit deviendra digne de leurs légendes traditionnelles. Et les cœurs s’ouvriront.
Jacqueline Danigo
Laisser un commentaire