Ce témoignage de Philippe, pèlerin du Chemin du Puy, est paru dans le bulletin Camino n°105 de mai 2011.
Le Chemin vers Compostelle nous apporte souvent beaucoup en expérience personnelle, en émotions et en surprises – et j’ai aussi vécu sur ce Chemin quelques cas troublants de coïncidences. Mais aucun n’a été plus touchant que celui-ci:
Lors de mon tout premier pèlerinage en 2004, quittant la cathédrale du Puy-en-Velay, j’écris une intention de prière que je laisse dans une boîte en face de l’autel. Ce petit papier, je l’espère, sera repris par un autre pèlerin. On peut en effet prendre une intention de prière anonyme dans la cathédrale et la transporter avec soi dans son cœur et dans sa tête, y penser ou y prier quotidiennement, jusqu’à son arrivée.Je laisse donc cette intention, dédiée à mon fils Patrick malade, et à deux êtres disparus qui me sont chers, mon père et ma grand-mère. Je ne la signe que par mon prénom, Philippe. Un pèlerin inconnu la transportera donc, comme moi je prends aussi une intention de prière d’un inconnu, qui sera dans mes pensées chaque jour.
On fait de belles rencontres sur ce chemin, et quelques jours plus tard, pendant la traversée de l’Aubrac, je fais connaissance d’un pèlerin hollandais, Ludovic. Nous nous entendons bien, marchons ensemble, nous racontant une partie de nos vies. De cette marche à la fin du printemps 2004 naît une amitié qui va perdurer: chaque année, soit Ludovic et son épouse viennent me voir en Angleterre où j’habite, soit je vais les voir à Tilburg en Hollande, soit nous nous retrouvons sur le chemin en été.
Ludovic a non seulement l’âme d’un pèlerin mais aussi celle d’un hospitalier car chaque année, il accueille les pèlerins au presbytère de Lectoure, s’occupe de les héberger, de les nourrir et si besoin est, de les aider.
Alors que j’étais chez Ludovic et son épouse Marian le mois dernier, célébrant avec eux le 50e anniversaire de leur mariage, avec d’autres amis pèlerins qui s’étaient joints à nous, Ludovic me dit d’un air grave:
J’ai quelque chose à partager avec toi
et il me tend une petite feuille de papier pliée en quatre. En l’ouvrant, je peux y lire:
Abasourdi, presque sans parole et ému aux larmes, je demande à Ludovic comment ce document lui est parvenu, puisqu’il ne m’en avait jamais parlé auparavant. Il m’explique qu’il l’avait pris à la cathédrale du Puy, mais n’avait pas fait la connexion en 2004 entre le Philippe avec qui il marchait et celui qui avait signé le bout de papier, ni entre mon fils Patrick dont je parlais et ce Patrick mentionné dans l’intention de prière. Ce n’est qu’en 2007 – trois ans plus tard – relisant son ancien crédential et ses documents, que Ludovic reconnut mon écriture et les noms des personnes qu’il avait entretemps appris à connaître.une prière pour la santé de mon fils Patrick et à la mémoire de deux êtres chers, mon père et ma grand-mère – Philippe, le 19 mai 2004.
Cette coïncidence surprenante m’a figé sur ma chaise, je ne pouvais que répéter le mot « coïncidence ». Mais Ludovic corrige:
la coïncidence n’existe pas, dit il. C’est le Divin qui te parle quand il ne veut pas signer de son nom…
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